Lauréat de la catégorie viticulture, Elías López Montero

Par Tom Parker Bowles
La Mancha, le cœur de l'Espagne, une région où les précipitations sont faibles et où les vastes plaines sont arides mais fertiles, brûlantes en été, mais d'un froid glacial en hiver. Une terre de châteaux, de moulins à vent et de Don Quichotte. C'est aussi l'une des plus grandes régions viticoles du monde.

Bien que sa réputation et son prestige ne soient pas la hauteur du Bordeaux, Elías López Montero est déterminé à redorer le blason de ses terres. Un talentueux vigneron, visionnaire, de Verum à Tomelloso, au cœur de la Mancha.

Ce n'est pas une région réputée pour ses vins de qualité et distinctifs", admet-il. En fait, la grande majorité des raisins cultivés dans la région sont utilisés pour créer des vins de table à bas prix et assez passe partout, en plus de fournir les matières premières pour le Brandy de Jerez. Ce que Montero veut faire, c'est associer à nouveau La Mancha à des vins de renom. Quand vous allez en Bourgogne ou à Bordeaux, vous savez ce que vous allez obtenir. C'est la même chose pour la Rioja ou la Napa. Toutes ces régions ont des identités très claires. Nous nous battons pour que le marché comprenne la véritable identité de La Mancha".

Il est chaleureux et attachant, c'est un homme qui parle doucement et qui s'instruit pour à devenir un maître du vin. Pourtant, il est modeste et n'affiche pas son savoir. "Si vous observez le monde viticole", dit-il, "et tous les pays et régions, vous ne trouverez jamais de plus grand défi pour un vigneron que celui de créer un produit original venu d'ici, de La Mancha.

"Nous avons évidemment tout ce qu'il faut ici pour cultiver la vigne. Il faut juste avoir la bonne vision, la bonne façon de faire les choses.'

Elías López Montero"

"Personne ne connaît mieux cette région et n'a autant d'expérience que la famille López-Montero, qui est dans le commerce du vin depuis longtemps. 233 ans, pour être précis. La première référence existante de l'entreprise familiale remonte à 1788. "Les ancêtres de mon père ont fondé une cave et une distillerie à Tomelloso, dans la maison où mon père est né". Il sourit. Malheureusement, nous n'avons pas de traces de cette époque.

En 1963, les parents d'Elías, Juan Antonio López Ramírez et María Victoria Montero, ont fondé Altosa, une cave et une distillerie qui continue à produire et à commercialiser des vins et des spiritueux. Mais c'est en 2005 que Maria Victoria, avec sa fille Maria Belen et ses fils Juan Antonio, Pedro Jose et Elías, ont créé la société Bodegas y Vinedos Verum, qui regroupe les vins issus des meilleurs vignobles de leur propriété.

Lorsqu'il a rejoint l'entreprise familiale, les choses étaient un peu différentes. "J'ai découvert que la viticulture de La Mancha s'était éloignée des cépages traditionnels de la région, le Tempranillo pour les rouges et l'Airén pour les blancs, pour se tourner vers des cépages plus internationaux comme le Cabernet, le Merlot et le Sauvignon blanc. Aujourd'hui, nous accordons plus d'attention aux raisins locaux, mais il a fallu beaucoup de travail pour y parvenir. En attendant, je m'inquiète surtout du remplacement des vieilles vignes par des vignes plus productives, nouvelles mais non traditionnelles, qui ont besoin de plus d'eau".

La durabilité est au cœur de la philosophie de Verum. Penser à l'avenir est primordial", dit-il. "Il s'agit de déterminer si nous pourrons continuer à produire les mêmes vins à l'avenir. Chaque année, nous ressentons de plus en plus les effets du réchauffement climatique". Il s'arrête, perdu dans ses pensées. Chaque année, les vendanges arrivent de plus en plus tôt. J'ai toujours été préoccupé par l'avenir. Quand j'ai commencé à faire du vin pour ma famille, je n'ai jamais pensé à en faire pour moi, pour ma propre réussite. J'ai toujours eu le souci de créer un héritage pour ma famille, et de pouvoir laisser les vignes à la prochaine génération. J'y pense beaucoup. Et pas seulement pour ma famille, mais pour la région que j'aime. J'essaie de créer des vins avec une identité et un sens du lieu, de faire pousser des vignes avec le minimum d'intervention. Respecter la terre, et la tradition. "

"Ce respect, pour les raisins et les vignes est très important. Nous voulons que l'environnement dans lequel elles poussent soit beau", poursuit-il. "Et je crois vraiment que les raisins ont bien meilleur goût lorsqu'ils sont cultivés dans un meilleur environnement. C'est très simple. L'alimentation biologique, nous la comprenons aisément. Le terroir c'est primordial, et l'utilisation de produits chimiques et de pesticides doit y être minimale. C'est exactement la même chose pour le raisin".

Bien que la famille possède de nombreux vignobles et terroirs, deux d'entre eux se distinguent particulièrement. Le premier est La Tinada, dont les vignes les plus anciennes remontent à 1950. Ils cultivent les cépages les plus connus et les plus traditionnels de la région, le Tempranillo et l'Airén, à une altitude relativement élevée. Trop souvent, ces raisins ont été utilisés pour élaborer un produit médiocre. Des remplisseurs anonymes, plutôt que des raisins à respecter. Elías est déterminé à ce que cela change. Nous cultivons sans irrigation, de manière traditionnelle, avec de très faibles rendements et une faible densité de plantation. Le sol est très calcaire et rocheux, avec une forte concentration de minéraux. Le rouge, Reserva Familiar, est riche, aromatique et intense. Alors que le blanc, Verum Airén de Pie Franco, est frais, léger et plein de fruits.

Mais c'est au domaine El Romeral, leur plus jeune, que l'on trouve vraiment la vision de Verum pour l'avenir. Le sol est également riche en carbonate de calcium, ce qui est important pour le caractère de leurs vins, la texture en particulier. Ici, dit Elías, nous nous concentrons sur la redécouverte du raisin régional et minoritaire de La Mancha. Des cépages tels que le Mazuelo, le Garnacha, l'Albillo Real, l'Albillo Mayor, le Moravia Agria, le Tinto Velasco, le Malvasía et le Graciano. Tous ces raisins", dit Elias, "ont quelque chose en commun : ils mûrissent très tard. Cela signifie que nous évitons la chaleur de l'été, qui affecte normalement directement l'acidité, ce qui rend le vin plus plat. En travaillant avec ces cépages tardifs, nous obtenons une fraîcheur naturelle et pouvons travailler avec un minimum d'intervention". Le Ulterior Parcella n° 7 y 9, un blanc issu du cépage Albillo Real, est mielleux au nez, avec des notes de coing et d'amande, et une finale salée et sèche. Alors que le rouge Ulterior Graciano Paercela 17 est intense, doux avec le plus doux des tannins. Le vin rouge Ulterior Tinto Velasco Parcela 10, fait ressortir une touche puissante de fruits noirs en bouche. Tous, un goût du passé de La Mancha. Et de l'avenir.

Une autre caractéristique fascinante de sa production est l'utilisation d'amphores en argile, ou jarres, dans lesquelles il fait vieillir son vin. Nous n'avons rien contre les tonneaux", dit-il, "et nous aimons aussi les utiliser. Mais les amphores sont traditionnelles, elles aident le vin à respirer, et je pense que cela apporte une identité, d'adopter de vieux outils qui ont été utilisés dans la région depuis de nombreuses années. Elles sont uniques". Elles ont plus de 100 ans, et sont assez grandes aussi. Il n'y a plus de four pour les fabriquer de nos jours, elles sont donc très caratéristiques Cela contribue à créer un sentiment d'appartenance". En termes de goûts, ils sont assez neutres. Contrairement aux fûts de chêne, par exemple, et à leur poids indéniable. Ils peuvent rendre les tanins un peu plus ronds, mais à la fin, vous n'obtenez pas d'autres saveurs qui proviennent du chêne. Je pense toujours au profil du vin, et à ce que je veux obtenir. J'utiliserai des barriques si nécessaire, et parfois je combinerai les deux. Tout dépend du vin final que je veux obtenir. Si je pense qu'il vaut mieux le faire sans chêne, je ferai de l'amphore à 100%".

Nous parlons de l'importance de la tradition et de la technologie. "À un certain moment de l'histoire, les amphores étaient de la technologie !" Il rit. "Mais maintenant, c'est la tradition. Et je crois qu'une partie de la nouvelle technologie que nous utilisons aujourd'hui sera de la tradition dans les cent prochaines années". Qu'en est-il des nouvelles technologies ? Lorsqu'il s'agit de durabilité, il y a maintenant des innovations qui aident le processus de fermentation à être meilleur pour la planète, pour l'environnement. Pour être en mesure de réduire les émissions de CO2. C'est pourquoi la technologie est si importante pour notre industrie. Pour penser à l'avenir. Vous avez besoin de la technologie et de la science, et nous travaillons actuellement sur un projet visant à réduire ces émissions. Mais la tradition et l'innovation sont une excellente combinaison".

Il est le premier à admettre qu'il n'est pas le seul producteur à essayer de valoriser les vins de La Mancha auprès des amateurs de vin du monde entier. Il y a déjà de brillants noms qui proviennent de La Mancha, et il y a beaucoup de producteurs qui font de grands vins en ce moment. Mais en tant que viticulteurs, nous devons être un peu critiques envers nous-mêmes. Nous devons cesser d'être négatifs et commencer à réfléchir à des propositions plus intéressantes. Et c'est ce que nous essayons de faire, de secouer cette région, d'essayer de montrer aux autres producteurs qu'il existe d'autres moyens. Il faut le voir d'un point de vue global".

Alors pourquoi Verum ? Il a été surpris que le nom n'ait pas été enregistré auparavant. Cela signifie la vérité. "C'est notre philosophie de faire des vins avec une identité qui exprime la vérité de la terre, la vérité de l'histoire de la famille et la vérité du vin de La Mancha. Une trilogie de la vérité". C'est en

grande partie pour cette raison que Sarah Abbott, Master of Wine et membre du conseil international des experts Respected by Gaggenau, a estimé qu'Elías et Verum correspondaient parfaitement à Respected by Gaggenau. "J'aime la façon dont il trouve ce qui est précieux dans la culture et le développe", dit-elle. Par exemple, l'utilisation traditionnelle des pots en argile. C'est un révolutionnaire, mais il préserve aussi l'histoire". La concurrence était rude et chacun d'entre eux était un candidat digne de ce nom. Mais ce que nous avons tous aimé, c'est la vision à long terme d'Elías, sa passion et son inspiration. Il était impossible de ne pas être enthousiasmé par son projet.

"Elías est un vigneron pionnier et visionnaire qui réinvente la qualité et le profil des vins de la plus grande région viticole d'Espagne", poursuit Sarah. C'est un champion des cépages indigènes et patrimoniaux. C'est un innovateur audacieux et inspirant qui transforme le potentiel et la réputation des vins de La Mancha - il montre que tout est possible si l'on est déterminé à trouver la beauté et à créer de la qualité". Nous sommes tous d'accord. C'est pourquoi il est lauréat de la catégorie viticulture Respected by Gaggenau 2021.

Qu'est-ce que cela signifie pour lui ? "J'étais si fier d'être nominé pour cette distinction", dit-il modestement. Quand on m'a dit pour la première fois que j'allais être sélectionné et que j'ai entendu le nom de Gaggenau, je me suis dit : "Ça doit être sérieux. Et intelligent ! Parce que c'est ce que Gaggenau sait faire. Puis, lorsque j'ai appris que j'étais lauréat de cette initiative, j'ai été très ému. Pas seulement pour moi, mais aussi pour la région. Enfin, nous faisons quelque chose qui attire l'attention. C'est bon pour moi, pour la Mancha et pour notre avenir".

Grâce à Elías López Montero, et à Verum, La Mancha n'est plus synonyme de fadeur et de production de masse. C'est plutôt une région à honorer. Connue, une fois de plus, pour la qualité de ses vins.

Images et film par Parallelozero